[Partie 7] L'histoire (RP)

Mélissandre marchait d'un pas vif dans les rues de Thiercelieux, pour rallier son domicile à l'église, quand des éclats de voix ont attiré son attention. Elle lève les yeux, suivant la direction indiquée par quelques personnes et s'arrête, statufiée, terrifiée et fascinée par ce qu'elle voit ... Une énorme boule de feu descend tout droit vers le village, avec une sorte de sifflement qui s'intensifie au fur et à mesure qu'elle se rapproche. Le sifflement devient grondement lointain, puis s'approche de seconde en seconde, pour devenir rugissement, tandis que la lumière et la chaleur se font insupportables. Des cris retentissent, des villageois s'enfuient, des enfants tombent et Mélissandre, elle, toujours immobile, doit détourner la tête, aveuglée par l'éclat des flammes. Terrifiée, elle adresse une prière au Seigneur, se demandant en même temps si ce n'est pas lui qui leur envoie cette boule de feu qui ne cesse de grandir.

Au bout d'un temps qui paraît à la fois s'étirer à l'infini et ne durer que quelques secondes, c'est l'impact. La terre est comme secouée, Mélissandre et tous les villageois environnants sont jetés à terre dans un bruit d'explosion qui fait siffler les tympans comme s'ils avaient été déchirés. Lorsqu'au bout de plusieurs (secondes  ? minutes ?), Mélissandre tente de se redresser, elle panique : elle est aveugle et sourde !

Tout en aidant qui à se relever, qui à éponger un peu de sang d'une éraflure, qui à s'épousseter, Mélissandre s'était rapprochée de l'extrémité du village et avait retrouvé, à la limite du Bas-Glaner, deux enfants qu'elle connaissait bien pour leur espièglerie et leur curiosité, le vieux René, pilier de comptoir de la taverne, le tisserand du village, la jeune Noémie et à présent, c'est Albert qui rejoint le groupe. C'est à ce moment là qu'elle voit l'étendue du désastre : la quasi totalité des champs a été carbonisée par un énorme caillou qui a creusé un immense cratère au beau milieu ... Un vrai désastre, quand on pense à ce que cela signifie : peut-être pas de récoltes l'été prochain ... Mélissandre secoue la tête de dépit. Soudain, son regard est attiré par ... quelque chose ... non loin du centre ... tordu et carbonisé, mais encore reconnaissable ...

"Mais ... c'est ... enfin c'était ... Aglaé, la gardienne de cochons ... Seigneur, quelle horreur, comme c'est affreux ... C'est son amie Sidonie, la gardienne d'oies, qui va être affreusement triste ..."

Pendant ce temps, quelques habitants dans le village s'étaient organisés pour éteindre les différents incendies qui avaient pris les maisons en bordure de village et la neige aidait à limiter l'extension des flammes. Le village au moins a été sauvé.

Comme tout le monde, Mélissandre avait été bouleversée par le terrifiant spectacle de la nuit précédente. Comme beaucoup d'autres certainement, la nuit, ou ce qu'il en restait, avait été très mauvaise et c'est de bon matin qu'elle s'était levée. Elle avait rejoint tout d'abord l'église afin d'y faire le ménage quotidien et préparé les cierges que le villageois ne manqueraient pas d'allumer, tant pour les deux morts que pour demander l'aide du Seigneur quant à leur avenir : entre les maisons détruites et les champs certainement inexploitables, l'horizon était plutôt sombre.

Plus tard, il rejoignit la place centrale, dite de l'Etoile, où les villageois sont réunis. Sur le trajet, elle note de nouvelles traces, apparues dans la nuit semble-t-il ...
Là-bas, Noémie prononce un petit discours en faveur de feu le maire. Mélissandre rejoint le groupe et ajoute une prière pour l'âme du pauvre homme, puis les discussions au sujet de nouvelles élections sont lancées. Pour l'instant, les villageois sont frileux. C'est que le maire avait été le premier à prendre cette charge depuis que le hameau s'était repeuplé et aucun ne se sent visiblement le courage de reprendre sa fonction. C'est que chacun a fort à faire avec son propre métier et personne n'est de trop pour que le village subsiste. Mais Noémie se lance, vaille que vaille et fait face aux interrogations. Lorsque Lionel annonce son soutien au prochain maire, quel qu'il soit, Mélissandre en profite pour prendre à son tour la parole :

"Je crois que le prochain maire aura besoin du soutien de tout le monde, surtout si l'on tient compte des nouvelles traces de loup qui se sont ajoutées aux autres cette nuit. Les animaux qui ont blessé le maire sont toujours aux alentours du village, visiblement le phénomène d'hier et les incendies ne les ont pas découragées. Elles se sont aventurées jusqu'au centre du village. Nous ne sommes pas en sécurité. Il faudra prendre des mesures pour éviter autant que possible de sortir de nuit et surtout pas seul. Nous devrons tous nous serrer les coudes et venir en aide à ceux qui n'ont plus un toit décent sur la tête. Seules l'entraide et la fraternité pourront nous aider à nous sortir de cette situation pénible."

Certains hochent la tête, d'autres grommellent dans leur barbe, mais Mélissandre sait que les plus démunis trouveront une main tendue et un bol de soupe ce soir, et elle-même prévoit de montrer l'exemple.

Mélissandre écoute les autres propositions. Les habitants ont la tête sur les épaules, les événements pourtant surnaturels de la nuit ne semblent pas les avoir perturbé plus que le rocher de la veille, ils s'organisent. Mélissandre se sent fière d'appartenir à cette communauté solide et soudée. Elle écoute avec attention le bûcheron.

"Je suis d'accord avec toi Albert. Autrefois, il m'est arrivé de tirer à l'arc, penses-tu que cela puisse être utile contre un loup de la taille de celui de cette nuit ? Si oui, je peux alors enseigner à ceux qui le désirent à utiliser cette arme. Et sache que je te soutiens publiquement pour le poste de maire. Du moins pour le temps de gérer la crise que nous vivons."